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31 août 2008 7 31 /08 /août /2008 19:55


 

         

         

          La saison 1968/1969 de Chapeau Melon et Bottes de Cuir n'est pas sans susciter une certaine controverse. Si le départ d'Honor Blackman n'avait pas traumatisé les foules, celui de la sémillante Diana Rigg (fabuleuse interprète d'Emma Peel) s'était révélé nettement plus problématique. Son remplacement par la jeune actrice canadienne Linda Thorson ne fit par conséquent pas l'unanimité et certains puristes se permirent même de douter de ses talents de comédienne, le fait qu'elle ait été la petite amie du producteur John Bryce ( qui supplanta provisoirement les producteurs "historiques" Albert Fennell et Brian Clemens) n'ayant pas arrangé les choses. Son personnage de Tara King, jeune femme moderne et branchée mais  infiniment moins flamboyante que Mme Peel, n'en est pas moins attachant. Son manque d'assurance, sa vulnérabilité, son côté femme-enfant ingénue secrètement amoureuse de l'élégant Steed, tout cela lui confère un charme indéniable.

          En 1961, Chapeau Melon et Bottes de Cuir était filmé en direct et en noir et blanc. Par la suite, c'est le format cinéma qui fut utilisé, l'étape suivante étant le passage à la couleur.

La saison 68/69 bénéficie ainsi (tout comme la précédente) d'une couleur magnifique, mettant en valeur des décors raffinés privilégiant les mauves, les violets et les bleus. Cela contribue non seulement à mettre en valeur les tenues vestimentaires qui vont du très classe (et classique) pour Steed au pur délire sixties pour Tara, mais aussi les voitures, la Bentley de monsieur et la Lotus Europe rouge de sa partenaire.

          Le générique nous plonge immédiatement dans l'ambiance, avec cet amoncellement d'objets divers (chapeau melon, collier de perles, épée, parapluie...) symbolisant à la perfection les deux protagonistes, et leurs personnalités si différentes mais complémentaires, telles le Yin et le Yang... Soulignons aussi (une fois n'est pas coutume) la pertinence du titre français, bien plus évocateur que le The Avengers initial ( ce titre original n'ayant d'ailleurs eu sa raison d'être qu'au cours de la toute première saison où il était effectivement question de vengeance). 

Les oeillets rouges, le bouclier, les armures, la verte campagne anglaise et cette porte posée au milieu d'un champ qui livre passage à Tara King, délire à la Lewis Carroll ou à la Magritte, tout cela, magnifié par le génial thème de Laurie Johnson, d'abord martial puis laissant place à la fantaisie et à la légèreté, augure du meilleur.

          Les relations entre les deux héros sont loin de constituer le seul intérêt de ces épisodes. Il serait injuste de ne pas mentionner la pléthore de comédiens brillants qui contribuèrent à les sublimer considérablement.

          La création du personnage de Mère-Grand constitue véritablement une idée de génie. Celui-ci - car il s'agit d'un homme - est l'un des grands responsables des services secrets britanniques. Admirablement interprété par l'imposant Patrick Newell et toujours flanqué de la blonde et muette Rhonda, son fidèle garde du corps, Mère-Grand, dont le mauvais caractère est proverbial, est cloué dans un fauteuil roulant et semble passer le plus clair de son temps à déguster force alcools raffinés. À l'origine prévu pour une unique apparition, Mère-Grand est devenu l'une des figures récurrentes de la saison 68/69. Pour l'épisode intitulé Le Visage, il sera cependant remplacé par Grand-Père, qui se trouve fort logiquement être une dame ! Dans Bizarre, une conversation téléphonique entre Mère-Grand et Grand-Père nous apprend que cette dernière est la supérieure hiérarchique de Mère-Grand.  

          Les différents Q.G. dans lesquels il officie sont toujours inattendus et leur accès est réservé aux seuls initiés. Dans Interrogatoires, c'est par l'intermédiaire d'une porte dissimulée à l'intérieur d'une cabine téléphonique, que l'on pénètre chez Mère-Grand. Dans Amour Quand Tu Nous Tiens, il faut cette fois se laisser choir à travers une bouche d'égout. Encore plus fort, dans Mais qui est Steed ?, Tara King doit plonger du haut d'un pont pour accéder au Saint des saints, dissimulé cette fois sous l'eau ! Toutes ces excentricités ne sont pas sans nous renvoyer à l'univers excentrique de Lewis Carroll.

          Mais Patrick Newell n'est pas un cas isolé : d'autres acteurs marquants apparaissent ponctuellement, comme le Monthy Python John Cleese dans ce qui constitue indéniablement l'un des joyaux de la série, le remarquable Clowneries.  

Mais qui est Steed ? nous montre un très jeune Ian Ogilvy qui tente de séduire Tara King, le méchant de Jeux est interprété par Peter Jeffrey, en qui les amateurs reconnaîtront l'inénarrable inspecteur Trout de L'abominable Dr. Phibes. Le colonel Mannering d'Interrogatoires permet au grand Christopher Lee d'effectuer une apparition remarquée.

            À ce stade, comment ne pas rendre hommage aux réalisateurs qui sont pour beaucoup dans la qualité de la série ? John Hough, futur metteur en scène de The Legend Of Hell House (1973), d'après le roman de Matheson, est l'auteur de plusieurs épisodes: Le Document perdu, Brouillard, Homicide et vieilles dentelles, Le Matin d'après.

On doit à l'extravagant Robert Fuest, auteur dans les années 70 du génial film L'abominable Dr. Phibes (avec Vincent Price), les très réussis Mon Rêve le plus fou, Jeux, Mais qui est Steed ?, Du Bois vermoulu, L'Homme au sommet, Noël en février, ainsi que ce qui constitue sans doute le sommet de la saison, le troublant Mademoiselle Pandora et son étrange atmosphère surannée, où l'on retrouve la fascination jamais démentie de Fuest pour l'Art déco et les années 20. 

Le Legs, Étrange Hôtel, Le Visage, Affectueusement vôtre et Requiem ont été tournés par Don Chaffey, qui réalisa aussi plusieurs épisodes du Prisonnier (l'autre grande série britannique des sixties, due au génie de Patrick Mc Goohan). Cela explique sans doute certaines similitudes entre les deux oeuvres : même choix de couleurs (mauves, bleus clairs) et thématique parfois très proche. 

Par exemple, dans Étrange Hôtel, Tara King se retrouve prisonnière à l'intérieur d'un luxueux établissement. Le personnel stylé et impeccable, le confort des lieux, l'absence apparente de gardiens, tout cela n'empêche pas cet hôtel de constituer une prison, dorée certes, mais bien réelle : situation exactement similaire à celle vécue par le Numéro 6 au Village !

L'intrigue du Visage repose sur le recours à l'hypnose, technique visant ici à transformer Steed en tueur, et cela nous renvoie aux méthodes habituellement en vigueur dans Le Prisonnier (tout comme la négation de l'identité de Tara King dans le Mademoiselle Pandora de R. Fuest). 

Le Matin d'après et sa description d'une petite ville mystérieusement désertée par ses habitants rappelle l'épisode du Prisonnier intitulé Le Retour, au cours duquel le héros découvre le Village vidé de toute présence humaine.

Enfin, dans Requiem, Tara King est victime d'une sombre machination visant à la convaincre qu'elle a été grièvement blessée dans un attentat qui a dévasté l'appartement de Steed et provoqué la mort de Mère-Grand. Pour cela, ses adversaires ne lésinent pas sur les moyens et se servent de décors de cinéma pour mieux persuader leur malheureuse victime de l'authenticité de leurs mensonges. Requiem rappelle fortement un fameux épisode du Prisonnier , Le Carillon de Big Ben (réalisé bien sûr par Don Chaffey !), qui est basé sur le même procédé, le Numéro 6 s'imaginant qu'il a réussi à s'évader et croyant se trouver de retour à Londres, alors qu'il n'a en fait jamais quitté le Village. Lorsqu'elles sont employées par les "méchants", ces méthodes nous paraissent indignes et infâmes: elles sont pourtant couramment utilisées par les "gentils" de Mission : Impossible, comme quoi tout est question de point de vue ! 

      Cela nous amène à souligner un autre point fort de Chapeau Melon et Bottes de Cuir cuvée 68 : la qualité des scénarios, inventifs et délirants. Il s'agit certes d'une constante de la série mais il serait inélégant de ne pas mentionner le travail de Denis Spooner (Clowneries), Richard Harris (Jeux), Tony Williamson (Étrange Hôtel), et du producteur Brian Clemens - par ailleurs réalisateur d'Interrogatoires - (Le Matin d'après, Mademoiselle Pandora).

Le Legs est un savoureux pastiche du Faucon Maltais, Brouillard et son Monstre des réverbères nous proposent une ambiance victorienne à la Jack l'Eventreur; quant à Homicide et vieilles dentelles, il nous renvoie bien sûr à un célèbre film de Frank Capra...

          La qualité de ces épisodes tient d'ailleurs du miracle dans la mesure où les choses avaient bien mal démarré, les producteurs Albert Fennell et Brian Clemens ayant été évincés au bénéfice de John Bryce, qui ne tint pas - loin de là -  les espoirs placés en lui, ce qui amena les grands pontes des studios à rappeler en catastrophe nos deux compères pour essayer de sauver ce qui pouvait l'être et les contraignit à remanier les quelques épisodes déjà tournés.

          À la fin de Bizarre, le dernier épisode de la saison, Steed et Tara sont malencontreusement envoyés dans l'espace. "Ils reviendront, vous pouvez en être sûrs", déclare alors Mère-Grand avec flegme. Il n'y eut pourtant pas de saison 1969/1970 !  

Tout comme sa grande rivale de Mission: Impossible, Chapeau Melon et Bottes de Cuir était une série fort onéreuse qui dépendait entre autres de capitaux américains; lorsque les bailleurs de fonds en question décidèrent d'arrêter les frais, son tournage s'arrêta brutalement, en pleine gloire.

Il faudra donc attendre le milieu des années 70 pour avoir droit à une tentative de réactualisation du mythe Chapeau Melon... avec la mise en chantier de The New Avengers, Gareth Hunt et Joanna Lumley dans le rôle de Gambit et Purdey, épaulant un Steed vieillissant. Mais that's another story... 

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