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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 23:35

 

 

 

Le héros de La Revanche de Freddy (A Nightmare on Elm Street Part 2: Freddy's Revenge), Jesse Walsh (Mark Patton), adolescent mal dans sa peau, troublé par les transformations qui affectent son corps, fortement travaillé par sa libido, a l'impression qu'il devient autre, et cet autre, qu'il n'accepte pas, contre lequel il lutte de toutes ses forces, tente de s'imposer et de se substituer à l'innocent Jesse que tout le monde connaît. Surtout, le jeune homme lutte désespérément contre certaines pulsions qu'il refoule violemment...
On se demande encore ce qui a bien pu se passer dans la tête du scénariste David Chaskin et l'amener à faire d'un homosexuel refoulé - interprété de surcroît par un acteur ouvertement gay -  le héros du deuxième volet de la fort lucrative saga des Griffes de la nuit (A Nightmare on Elm Street),  série de films clairement destinée à un public adolescent, a fortiori en 1985, en plein coeur de l'épidémie de sida...
En effet, avant d'être un film d'horreur, La Revanche de Freddy constitue une oeuvre bizarrement incongrue caractérisée par un aspect homoérotique non seulement évident mais essentiel et que l'on ne saurait passer sous silence sous peine de passer totalement à côté du sujet.

 

 

 

Le premier volet, Les Griffes de la nuit (A Nightmare on Elm Street), réalisé en 1984 par Wes Craven, et dans lequel figurait un tout jeune Johnny Depp, permit à Robert Englund de dégoter le rôle de sa vie (1), celui de l'infâme Freddy Krueger, tueur d'enfants brûlé vif par les parents de ses victimes, dont l'esprit revient malgré tout hanter les rêves des adolescents d'Elm Street, prélude à une nouvelle série de crimes sanglants. Aujourd'hui encore, Freddy demeure l'un des croquemitaines les plus populaires des années 80, à égalité avec le Jason de Vendredi 13 et le Michael Myers d'Halloween. Plus intelligent que le trisomique Jason et plus rigolo que le sinistre Myers, la popularité de Freddy ne s'est jamais vraiment démentie et a engendré une bonne dizaine de films.
C'est Jack Sholder, futur auteur de Hidden (1987), qui réalisa La Revanche de Freddy (2), sous-titré The man of your dreams is back ! L'histoire ne se distingue apparemment pas du tout-venant des productions destinées au jeune public des années quatre-vingts. La famille de Jesse -  ses parents et sa petite soeur - vient d'emménager dans une coquette demeure d'Elm Street. Le père, Ken (Clu Gulager), est persuadé d'avoir réalisé une affaire, et peu lui importe que cette maison ait été autrefois le théâtre de sinistres événements.
Son fils, Jesse, devient très vite la proie impuissante de terribles cauchemars. Cela donne d'ailleurs lieu à une excellente et surprenante séquence introductive durant laquelle nous assistons, médusés, au détournement spectaculaire du bus scolaire dans lequel a pris place le jeune homme...  
Après ce début apocalyptique, le spectateur a droit à un aperçu de la vie quotidienne du garçon, alternance de scènes de la vie familiale ou d'épisodes liés à sa scolarité. Ce qui en ressort, c'est la maladresse du héros, tant dans ses rapports avec ses parents qu'avec ses camarades de classe...
Et ses nuits sont terribles, marquées par le retour des cauchemars, provoqués par un Freddy Krueger bien vivant qui a pour objectif de posséder Jesse, plus précisément, de se substituer à lui, de le remplacer... En outre, le héros deviendra préalablement, et bien malgré lui, l'instrument qui permettra au tueur de renouer avec son activité favorite, le meurtre saignant.
Encore une fois, tout cela ne se distinguerait aucunement du slasher grand public de base s'il n'y avait là quelques indices troublants, en particulier les griffes acérées qui jaillissent brusquement des doigts de Jesse, aussi parlantes, symboliquement parlant, que les éjaculations de toiles d'araignée de Spiderman... Et que penser de cette surprenante atmosphère homoérotique dont il a déjà été question plus haut ? Film sur les affres de l'adolescence, La Revanche de Freddy se révèle lourdement chargé de symboles. S'il est vrai que Jesse fricote avec la jolie Lisa Webber (Kim Myers, aucun rapport avec Michael), ce n'est pas lui qui l'a draguée mais elle qui s'est imposée à lui. D'ailleurs, fricoter s'avère un bien grand mot puisque Jesse se révélera par la suite incapable de lui faire correctement l'amour.  
Plus troublante encore la relation  qui s'établit entre le héros et son camarade Grady (Robert Rusler), ce grand ténébreux symbolisant à la perfection le lycéen sportif et populaire, bref, l'antithèse du falot Jesse. Un jour, les deux jeunes gens se battent en plein cours de sport et, au cours du combat, rapidement stoppé par un prof viriloïde et caricatural (Marshall Bell), accessoirement gay et branché SM (3), Grady baisse le survêtement de Jesse, dévoilant ainsi ses fesses, son jock-strap, sous-vêtement connoté s'il en est (4), ne dissimulant rien de son anatomie. Par la suite, leur antagonisme s'estompe et les deux garçons développent une certaine solidarité, consécutive aux séries de pompes que leur inflige Schneider, leur tyrannique prof de sport, première étape d'une camaraderie qui laissera place à un sentiment nettement plus trouble. En effet, c'est à Grady, et non à Lisa, que s'adressera Jesse, au plus fort de sa détresse, le suppliant de le laisser entrer chez lui, dans sa chambre, et de lui permettre de dormir à ses côtés...
Si l'on ajoute à cela la propension du réalisateur à filmer ses comédiens dans les douches, dans les vestiaires, en tenue de sport, en slip, vêtus de chemises amplement déboutonnées façon boys band  ou carrément torses nus, comme ce sera le cas lors de la fameuse visite nocturne de Jesse à Grady, il est évident que La Revanche de Freddy se situe aux antipodes du slasher de base. Les derniers doutes se dissipent lors d'une mémorable excursion nocturne du héros qui se rend dans un bar fréquenté par des marginaux, prostituées, drogués, homosexuels, dans lequel il retrouvera Schneider. Tous deux rejoindront le gymnase du lycée et là, les choses ne se passeront pas comme prévu, puisque c'est Schneider qui finira attaché, les fesses à l'air et cruellement fouetté, dans l'attente du sort peu enviable que lui réserve Freddy...  

 

 

 

Plus tard, au cours d'une  scène particulièrement réussie rappelant les meilleurs moments du The Thing de John Carpenter ou de la saga Alien, Freddy s'extirpera carrément du corps de Jesse sous les yeux terrifiés de Lisa. Monstrueux accouchement contre nature ? Grotesque métaphore du coming out ? Représentation allégorique du sida ? Toutes ces hypothèses sont envisageables et c'est justement là que réside l'intérêt du film...

On le voit, avec La Revanche de Freddy, Jack Sholder a réalisé un film déroutant, plus malin qu'il n'y paraît et, au demeurant, fort divertissant. À redécouvrir, donc...

 

 
 

(1) Il fut aussi Willie, le gentil lézard de la cultissime série V.
(2) Ce n'est qu'en 1995 que Wes Craven réalisera à nouveau l'un des films de la franchise, à savoir Freddy sort de la nuit (Wes Craven's New Nightmare).
(3) "Tu es tout à fait son type", déclarera d'ailleurs Grady à un Jesse médusé...
(4) Wikipédia nous rappelle qu'il s'agit là de l'un des "symboles de la communauté homosexuelle".

 

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